Récit de l'apparition
★ Lettre d’Angélique Thébeault,
fille de ferme à Pontmain, écrite le 22 janvier 1871 à sa patronne à Laval.
Mademoiselle,
Continuez vos bonnes prières. Je crois que Dieu nous exaucera. La Sainte Vierge est apparue à Pontmain à cinq enfants. Elle était en l'air. Elle avait une robe bleue parsemée d'étoiles, des chaussures et une couronne d'or, un voile noir, une croix rouge sur le cœur.
Les sœurs et puis Monsieur le Curé ainsi que tout le monde de la ville se sont réunis, mais il n'y a jamais eu que les cinq enfants à La voir. Monsieur le Curé les a exhortés à se mettre en prière et ils ont chanté des hymnes et des cantiques en l'honneur de la Sainte Vierge.
Tandis qu'ils priaient et chantaient, les enfants voyaient se former des lettres puis des mots, premièrement un M, puis MAIS (un instant seul), priez Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher.
Le doyen et plusieurs saints prêtres ont interrogé les enfants et n'ont jamais su les faire tromper ni se démentir.
C’était mardi 17 janvier depuis six heures du soir jusqu'à huit heures et demie, puis une nuée noir La déroba à leur vue. Je puis vous assurer que c'est une vérité. Plusieurs prêtres se sont réunis et ont dressé un procès-verbal.
Votre servante toute dévouée.
Angélique Thébeault
Cette lettre était perdue et on n'en connaissait plus qu'une copie partielle, tapée à la machine. Elle a été retrouvée récemment dans les archives du Sanctuaire de Pontmain.
★ Texte de Jeanne-Marie Lebossé
écrit le 1er février 1871
Apparition de la Sainte Vierge à Pontmain, Diocèse de Laval.
Dans ladite paroisse, se trouve une famille que l'on peut nommer pieuse dans la force du terme. Elle se compose du père, de la mère et de trois garçons. L'aîné, âgé de vingt-cinq ans défend la patrie, le cadet de douze ans est à la maison ainsi que le plus jeune de dix ans.
Mardi soir, dix-sept janvier mil huit cent soixante-onze, les enfants étaient occupés avec leur père à piler les ajoncs lorsque le cadet sortit.
Il aperçut au-dessus du toit d'une maison vis-à-vis de la grange où ils étaient occupés une grande Dame, vêtue d'une robe bleue parsemée d'étoiles d'or, des chaussures de même couleur avec des boucles d'or. Elle avait un voile noir et au-dessus une couronne d'or où l'on pouvait distinguer un petit cordon rouge au milieu.
Cet enfant appelle une personne pour lui faire remarquer la belle Dame.
À ces paroles, son père et son jeune frère arrivent.
Les grandes personnes ne virent rien, il n'y a que les deux enfants qui voient.
Ils vont chercher leur mère qui était à la maison. Elle arrive et ne vit rien.
Elle fit réciter cinq Pater et cinq Ave devant la Dame.
Seulement elle les fit rentrer dans la grange pour n'être pas vus.
Les parents grondent les enfants et les traitent de menteurs et de visionnaires et les emmènent manger leur soupe. Il était environ six heures du soir.
À peine leur soupe mangée, ils partirent voir et virent encore la même chose.
Quand ils rapportèrent cela à leurs parents, ceux-ci furent saisis d'une grande frayeur, pensant que c'était l'annonce de la mort de leur fils qui est au service. La mère alla chercher les religieuses auxquelles elle fit part de ce qui se passait. Une d'entre elles se rendit dans le lieu et ne vit rien. La mère pria la religieuse de n'en rien dire et gronda de nouveaux ses enfants.
Cette religieuse y conduisit trois pensionnaires sans leur dire ce qui se passait.
Deux des pensionnaires virent la belle Dame et furent tout étonnées de ce qu'elles voyaient.
On alla chercher Monsieur le Curé qui vint aussitôt, accompagné de beaucoup de personnes et de quelques enfants. Personne ne put rien voir sauf un petit garçon de six ans qui dit avoir vu la même chose. Il parut à ce moment un cercle bleu autour de cette belle Dame éloigné d'Elle à peu près de cinquante centimètres et une petite croix rouge sur son cœur.
Après avoir essayé de voir pendant plus d'une heure, les assistants se mirent à prier.
On commença le chapelet. Pendant cette prière, la Dame grandissait et devenait de plus en plus belle et des petites étoiles se multipliaient sur sa robe. Il leur semblait qu'Elle marchait en montant et par où Elle passait, les étoiles se rangeaient et paraissaient revenir sous ses pieds.
Le chapelet finit, on chanta le Magnificat.
Au premier verset, il y avait sous les pieds de la Dame un « M ».
Lorsque le Magnificat fut chanté, il y avait écrit en lettres majuscules d'or semblables à celles des livres (expression de nous) « Mais priez mes enfants. »
Il est à remarquer qu'après le mot « Mais » formé, il se passa plus de dix minutes sans qu’il ne se forme aucune lettre. Les autres se formèrent une à une, à peu près trois à quatre minutes les unes après les autres. Elles avaient neuf à dix centimètres de hauteur.
La foule commença à chanter les litanies de la Sainte Vierge.
Pendant ce temps, il se forma dans la même ligne « Dieu vous exaucera en peu de temps ».
On chanta ensuite « l'Inviolata » et le « Salve Regina ». Il se forma un gros point qui était comme le soleil après le mot « temps », et sur une seconde ligne ces mots : « Mon Fils se laisse toucher ». Et quatre enfants purent lire très facilement ces mots écrits en lettres d'or. Ils nommaient tout haut les lettres à mesure qu'elles se formaient.
On cherchait à les embrouiller sans pouvoir réussir. À chaque instant, la Dame riait avec les enfants qui étaient dans la jubilation et pour se servir de nos expressions « V'la qu’elle rit ». Ils disaient cela à chaque instant en frappant des mains. Elle prenait une figure triste quand on parlait ensemble.
On chanta le cantique « Mère de l'Espérance ». Elle éleva les bras à la hauteur des épaules et agitait les doigts et Elle riait aux enfants. Jusqu'à ce moment, Elle avait les bras tendus, comme la Vierge représentée sur la Médaille miraculeuse.
On chanta le cantique « Mon doux Jésus enfin voici le temps » et une croix rouge longue à peu près de quarante centimètres parut dans ses mains. Il y avait au haut de cette croix un écriteau blanc. On y lisait Jésus-Christ en lettres rouges. Pendant tout le temps du cantique, Elle fut triste et semblait prier avec la foule.
Pendant le chant de l'Ave Maris Stella, la croix rouge disparut et vinrent deux petites croix blanches sur ses épaules. Dans le cercle qui L'entourait, ils y virent quatre bougies qui s'étaient allumées par une étoile, qui partit de dessous ses pieds et alla se reposer sur sa tête.
Elle disparut. Vers neuf heures, il parut comme un linge blanc dans lequel Elle s'enveloppa et ils ne virent plus que la tête.
Quelques minutes après, ils ne virent plus que la couronne.
Ceci est arrivé au milieu du bourg et en présence de toutes les personnes du bourg assemblées.
Les petits garçons sont du Maine et les petites filles sont originaires de la Bretagne.
Les Témoins du prodige
1 Eugène Barbedette, 12 ans, né à Pontmain, ayant fait deux communions
2 Joseph Barbedette, 10 ans, né à Pontmain, diocèse de Laval
3 Françoise Richer, 11 ans, née au Loroux, ayant fait une communion
4 Jeanne-Marie Lebossé, 9 ans, née à Gosné, diocèse de Rennes
5 Eugène Friteau, 6 ans, né à Pontmain, diocèse de Laval.
★ Deux lettres concernant Auguste Avice
Lettre écrite le 19 avril 1945 par le P. A. Lambert, s.j., et adressée au recteur de Pontmain :
Permettez-moi de vous demander si vous avez des précisions sur ce que le jeune Avice put garder comme souvenir de la vision entrevue le 17 janvier 1871.
Sa modestie et sa discrétion ont fait que, de son vivant, on n'a pu obtenir de lui aucune indication.
Mais peut-être dans les pièces documentaires de Pontmain, y a-t-il quelques précisions sur ce qu'il a répondu aux enquêtes de l'autorité ecclésiastique ou au moins de ce que ses parents ont pu préciser.
Pardonnez cette curiosité à un dévot de N.-D. de Pontmain, manceau d'origine et dont une partie de la famille vient de cette région mayennaise…
Lettre écrite le 20 avril 1945 par le P. A. Lambert, s.j., et adressée à un correspondant inconnu :
Nous avons été informés que le frère Henri Avice était décédé en Chine au cours de ces derniers mois.
Nous n'avons aucun détail ni aucune précision quant à la date et aux circonstances de cette mort.
Je sais seulement que ce bon et fidèle serviteur a couronné ainsi une belle vie de missionnaire toute consacrée aux frères et au bien de la Mission.
Le poste de confiance qu'il avait à l'économat général lui était depuis longtemps familier, et je l'ai connu là-bas il y a une dizaine d'années plein de patience et de zèle pour son emploi.
Il a vécu dans le don de soi et l'amour de la T. S. Vierge dont, tout petit, il avait vu la splendeur le 17 janvier 1871.
Sa modestie ne voulait jamais parler de cette faveur, mais son âme en était restée illuminée
★ Une lettre concernant Augustine Boitin
Cette lettre inédite, adressée sans doute à l'abbé Royer, ancien vicaire à Saint-Sulpice, a été retrouvée récemment dans les archives du Sanctuaire.
Hospice de Chaudebœuf, par Saint-Hilaire-des-Landes
Mon cher Père,
Ce que vous me demandez est un peu loin de mes souvenirs. Mais autant que je me rappelle, j'ai fait bien des visites à Augustine Boitin sur son lit d'hôpital.
Je lui rappelais qu'elle avait vu la Sainte Vierge. Elle me répondait sur le ton de l'indifférence qu'elle ne s'en souvenait pas.
Il fallut bien aborder les choses sérieuses et la nécessité de se confesser pour se préparer à recevoir les autres sacrements. Ce ne fut qu'après plusieurs visites qu'elle accepta, mais sans enthousiasme, de se confesser. C'est ainsi qu'elle reçut la sainte Communion et le sacrement de l'Extrême-Onction, quand le moment fut venu.
Elle reçut les derniers sacrements et mourut le 8 mai 1942. Ce n'est donc pas en vain que la Sainte Vierge lui avait souri. Elle ne demanda pas d'elle-même les derniers sacrements comme vous l'avez écrit.
Voilà, mon Cher Père, la fin d'Augustine Boitin, si mes souvenirs sont fidèles.
Veuillez agréer...
J. Langlois,
Hospice de Chaudeboeuf
★ Victoire Barbedette : « la sainte de Pontmain »
Vie d’une admirable simplicité. On n'avait pas pour elle un si profond respect parce que ses deux fils avaient reçu de la Reine des Cieux une incomparable faveur : on la vénérait surtout parce que chacun, dans sa conscience, estimait qu'elle avait mérité, pour ses enfants, cette grâce inouïe. Pourtant quelle vie plus monotone et plus pâle, au premier abord, que cette longue vie, sans autre éclat et sans autre évènement que la glorieuse apparition.
Où donc s'était révélée la haute vertu de cette femme appelée par tous ceux qui la connaissaient du grand nom de sainte ?
À rien, si ce n'est rien qu'un devoir très modeste accompli, au long de soixante-quinze années, sans faiblir un seul jour. À rien, si ce n'est rien qu'une piété intelligente et profonde, entretenue aux pieds de Dieu, comme une lampe incessamment brûlante au pied de l'autel pendant ces trois quarts de siècle.
À rien si ce n'est rien que de subir, autour de soi, parmi les siens, les coups répétés de la mort, sans que la confiance en Dieu se trouble un instant, sans que le sublime devoir de la résignation chrétienne ait un commencement d'éclipse et de défaillance.
À rien, si ce n'est rien que d'imprimer au plus profond du cœur de ses enfants la foi et la piété, de leur donner, au milieu des humbles devoirs de la paysanne, une éducation chrétienne et de mériter ainsi que ses vieux ans soient couronnés de cet insigne honneur : le sacerdoce de deux fils !
Car Victoire Barbedette n'a rien fait autre chose dans sa longue vie. Mais, quel chrétien, quel vrai chrétien, ne comprendra maintenant la vénération dont cette femme était entourée ?
Les funérailles ont été une émouvante manifestation, pleine d'une grandeur auguste et aussi comme sa vie, d'une absolue simplicité. Simplicité ! Ce mot peint si parfaitement la "sainte de Pontmain". Mais que cette simplicité est donc admirable et dépasse la gloire et l'éclat qui nous frappent d'abord dans les choses humaines…
Louis Veuillot,
Journal L'Univers, 23 décembre 1897